[ - THE FLIGHT - ]

Une caresse. Lentement, elle approche son visage du mien, me regarde tendrement, et vient se blottir contre moi. Je l’entoure de mes bras et lui dépose un baiser sur la joue, pour accompagner son geste, conjugaison censée d’une réciprocité évidente. Quelques minutes après, je réalise qu’elle s’est servie de mon épaule pour poser sa tête afin de mieux s’endormir. Je n’ai plus tellement conscience de l’heure qu’il est à force de changer de correspondance, mais en plongeant les yeux dans la vitre qui me sépare de l’extérieur je saisis le caractère incroyable de la situation.

J’essaye de ne pas trop gâcher son sommeil en me positionnant correctement, pour me permettre d’avoir une vue imprenable sur ce que je découvre. Car en altitude le paysage est totalement différent. De minuscules maisons viennent s’agglutiner par milliers sur une surface entourée d’eau, puis c’est de vastes champs qui viennent peindre ce tableau d’une verdure étonnamment claire. Le soleil transforme cette palette visuelle en un scintillement irrégulier, au gré des nuages vagabondant lentement dans le ciel. D’abord irisé, c’est d’or qu’il nappe cette région du monde que je ne connais pas.

L’avion a décollé depuis déjà plusieurs heures. J’ai le sentiment d’avoir plongé dans un sommeil profond deux jours auparavant, alors que nous n’avons pas encore débarqué au point d’arrivée de notre destination. Je ressasse le parcours engagé : le train qui est parti avec vingt minutes de retard, puis le taxi dont le GPS ne reconnaissait pas la route. Enfin le check-in et l’attente prolongée dans le hall avant d’embarquer à bord de l’appareil. Et pour terminer le décollage. Telle une parenthèse enchantée, le vrombissement des moteurs et l’envol, l’avion engagé dans une ascension pour se positionner au-dessus des nuages.

Le paysage continue de défiler. Immuable. Les couleurs s’enchaînent alors que le temps semble s’allonger, où les secondes s’égrènent doucement, comme pour préserver l’instant présent. Ce tendre moment où ma femme soupire, lassée du voyage, et tellement impatiente qu’elle préfère déjà y rêver pour se réveiller lors de l’arrêt de l’appareil. Je caresse tendrement sa nuque, pour l’apaiser et lui faire sentir ma présence, où qu’elle soit dans son songe. Un léger murmure, suivit d’une vive étreinte de sa main dans la mienne me fait comprendre alors que le message est passé.

Ayant mis de côté mes réflexions je constate avec stupeur la légèreté avec laquelle la dimension spirituelle de notre quotidien se retrouve immergée de simplicité. Tous les deux en vacances, et en voyage qui plus est, laissant derrière nous quelques tracas du quotidien, bien minime face à l’étendue de surprises qui se profile devant nous. Un souvenir refait surface : mon tour d’Europe il y a quelques années avec deux amies, lorsque je pris l’avion pour la première fois. L’expérience fut si captivante qu’elle balaya peu de temps après la fin de l’aventure tous mes moindres soucis au profit d’un optimisme rude à toute épreuve. Ce souvenir, jamais je ne l’oublierai.

La voix d’une hôtesse de l’air me fait revenir à moi, tout en chassant d’une main invisible ce détail pour me recentrer sur son discours. Moins de deux heures de vol et à nous les vacances. Ma femme relève sa tête de mon épaule, se frotte les yeux et me regarde d’un air endormi, pour chercher à comprendre mon éveil permanent. Je passe alors un bras autour de sa taille pour la faire se rapprocher de moi, et l’embrasse langoureusement, grammaire du débutant pour les amoureux de longue date. A ce moment précis, ce sont mes sensations qui sont sollicitées : son parfum remonte à mes narines, effluve sensuelle qui réveille mon appétit sexuel. C’est alors qu’elle me sourit, consciente de la scène. Une fois l’avion à terre, c’est un autre voyage qui déjà m’attend …